lundi 24 avril 2006

91ème anniversaire du 24 avril 1915


Aujourd'hui plusieurs milliers de personnes ont participé à l'inauguration du mémorial lyonnais du Génocide Arménien. En tant que Députée du Rhône j'étais invitée à cette cérémonie au cours de laquelle a été rappelée la nécessité de compléter la Loi de 2001, reconnaissant le Génocide de 1915, par une Loi rendant possible la sanction de tout négationnisme. Le Groupe Socialiste de l'Assemblée Nationale, auquel j'appartiens, travaille d'ailleurs à un tel texte dont voici une première version :
PROPOSITION DE LOI
Complétant la loi no 2001-70 du 29 juillet 2001 relative à la reconnaissance du génocide arménien de 1915
EXPOSÉ DES MOTIFS
Le 29 mai 1998, l'Assemblée nationale adoptait à l'unanimité une proposition de loi, déposée par le groupe socialiste, ne comprenant qu'un seul article, qu'une seule phrase. Une phrase dont la simplicité témoignait mal de l'horreur du drame qu'elle évoquait et des difficultés qu'il avait fallu surmonter pour arriver à ce stade de la reconnaissance, mais dont la signification était grande.
Ainsi, ce jour de mai 1998, « La France reconnaît publiquement le génocide arménien de 1915. ». L'émotion est palpable dans l'hémicycle de l'Assemblée nationale. Les parlementaires ont ce jour-là l'impression de s'affranchir de ce que l'on pourrait appeler la raison d'Etat, tout en rendant enfin sa dignité au peuple arménien. Car nier le génocide dont a été victime le peuple arménien revient à nier l'existence même de ce peuple, qui a pourtant été exterminé pour ce qu'il était. Depuis, après quelques péripéties, cette phrase est devenue une loi de la République, la loi no 2001-70 du 29 janvier 2001 relative à la reconnaissance du génocide arménien de 1915.
En reconnaissant l'existence de ce génocide, le premier du XXe siècle, la République française a donc symboliquement rendu au peuple arménien la part de lui-même qu'il a perdue il y a plus de 80 ans.
Pour beaucoup, cette reconnaissance a pu être considérée comme un accomplissement, tant il est vrai que les obstacles posés à cette reconnaissance par la loi avaient été nombreux.
Les élus de la Nation pourraient donc être tentés de céder à la tentation du sentiment du devoir accompli. Il n'y aurait rien de pire ! En effet, un important travail législatif reste à accomplir pour tirer toutes les conséquences de la loi portant reconnaissance du génocide arménien. Il convient notamment d'intégrer la négation de ce crime contre l'humanité que constitue le génocide arménien de 1915 dans notre droit pénal.
C'est ce qu'avait fait la loi Gayssot de 1990 à propos de la contestation des crimes contre l'humanité définis en annexe à l'accord de Londres du 8 août 1945. Cette contestation est punie de cinq ans d'emprisonnement et de 45 000 euros d'amende, conformément aux dispositions de l’article 24 bis la loi de 1881 relative à la liberté de la presse, dans son chapitre IV portant sur les crimes et délits commis par la voie de la presse ou de tout autre moyen de publication. Par définition, la loi de 1990 ne pouvait pas intégrer le génocide arménien, qui n'avait pas, à l'époque, fait l'objet d'une reconnaissance officielle. Dès lors que ce génocide a été officiellement reconnu par une loi de la République, il est nécessaire de compléter les dispositions de la loi de 1881 afin que la négation du génocide arménien soit punie comme il se doit.
Tel était l'objet d'un amendement déposé, le 26 novembre 2003, par les membres du groupe socialiste de l'Assemblée nationale. Il s'agissait, ni plus ni moins, de tirer au plan pénal les conséquences de l'entrée en vigueur de la loi reconnaissant le génocide arménien. Dès lors, l'examen du projet de loi portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité et réformant le code pénal était l'occasion inespérée pour procéder sans délai à la nécessaire adaptation de la loi de 1881.
Mais, selon le garde des Sceaux de l’époque, la législation existante permet de poursuivre les personnes qui se rendent coupables d'apologie de crimes contre l'humanité. Le droit actuel permettrait ainsi, selon lui, de poursuivre toute personne faisant l'apologie du génocide arménien. Cette analyse est certes intéressante, mais elle paraît, à la réflexion, insuffisante et en décalage avec le problème posé.
En effet, la problématique du génocide arménien est singulière. La réalité de la Shoah, par exemple, a non seulement été niée par ceux que l'on appelle les révisionnistes, mais elle a également fait l'objet d'apologie. Il est donc souhaitable de condamner les deux facettes d'une même attitude insupportable : l'apologie et la négation. Le génocide arménien, jusqu'à présent du moins, n'a à notre connaissance jamais fait l'objet d'une quelconque apologie. Au contraire, c'est son existence même qui est niée.
La nécessité de sanctionner pénalement non seulement l'apologie, ce qui selon le ministre est possible avec le droit existant, mais aussi et surtout la négation du génocide arménien, ce qui n'est pas possible en l'état du droit, est donc évidente.
Le travail des parlementaires n'est donc pas achevé, et il convient donc d'étendre les dispositions de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse relatives à la négation des crimes contre l'humanité au génocide arménien reconnu par la loi no 2001-70 du 29 juillet 2001.
Pour ce faire, il est nécessaire de modifier la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse, soit en étendant le champ d’application de son article 24 bis issu de la loi 90-615 du 13 juillet 1990 dite« loi Gayssot » et applicable jusqu’à présent à la Shoah, soit en créant un article autonome punissant des mêmes peines la négation du génocide arménien de 1915 à présent reconnu par la loi,
Dans un premier temps, les socialistes ont choisi la première voie concrétisée dans leur proposition de loi n°1643, enregistrée le 8 juin 2004. Il est apparu par la suite à la fois plus simple et plus juste de consacrer un article propre au génocide arménien de 1915 dont la négation est punie des mêmes peines que la négation de la Shoah.
C’est donc cette version révisée qu’il est proposé d’adopter en complétant la loi 2001-70 du 29 janvier 2001 relative à la reconnaissance du génocide arménien
Article unique
La loi n° 2001-70 du 29 janvier 2001 relative à la reconnaissance du génocide arménien de 1915 est complétée par un article ainsi rédigé : « Art. 2. - Seront punis comme indiqué à l'article 24 bis de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse ceux qui auront contesté, par un des moyens énoncés à l'article 23 de ladite loi, l'existence du génocide arménien de 1915. »

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