vendredi 19 mai 2006

Discours à la tribune de l'Assemblée Nationale


Hier, l'Assemblée Nationale devait examiner trois Propositions de Loi du Groupe Socialiste. L'une d'elle, sur laquelle je me suis particulièrement investie, prévoyait de pénaliser les propos niant la réalité du génocide subi par les arméniens en 1915. Malheureusement, les manoeuvres se sont multipliées puisque le Gouvernement et une majorité des Députés UMP étaient hostiles à un tel texte sans oser assumer ouvertement leur manque de courage lors d'un vote solennel.
Ainsi, les interventions sur les deux premières Propositions de Loi ont traîné en longueur dans l'espoir d'empêcher le débat parlementaire sur la troisième. Cette attitude franchement mesquine a été dénoncée par plusieurs de mes collègues et par mon Président de Groupe, Jean-Marc AYRAULT. Finalement, après maintes péripéties, une discussion générale, raccourcie a quand même eu lieu. Voici le texte de mon intervention.
Assemblée nationale
COMPTE RENDU ANALYTIQUE OFFICIEL 1ère SEANCE DU JEUDI 18 MAI 2006 Séance de 9 heures 30
Mme Martine David – Le 18 janvier 2001, à cette tribune, j’ai fièrement contribué à la reconnaissance officielle du génocide arménien. Je croyais à l’époque que cet acte politique fort permettrait à la mémoire des hommes de donner une sépulture aux victimes qui en furent privées. Résultat d’un long parcours parlementaire, cet acte législatif courageux avait recueilli une unanimité qui fit honneur à notre Assemblée.
Cet acte n'a malheureusement pas empêché certains de poursuivre leur entreprise honteuse de déstabilisation en évoquant une « version arménienne de l'histoire ». Il reste donc à combler un dangereux vide juridique afin que toute négation de la réalité du génocide arménien puisse être justement condamnée.
L’actualité récente en a démontré la nécessité. Le 18 mars, s'est déroulée une manifestation à Lyon au cours de laquelle des banderoles et des slogans négationnistes ont été vus et entendus. Avec d’autres, j'avais pourtant mis en garde le préfet de la région Rhône-Alpes contre ces dérapages prévisibles qui ont suscité l'immense indignation de nombre de nos concitoyens. Cet événement montre que les autorités préfectorales ne disposent pas de tous les outils, notamment juridiques, pour intervenir. Un mois plus tard, le 17 avril, le mémorial dédié au génocide de 1915 et à tous les génocides qui devait être inauguré à Lyon a été recouvert de graffitis négationnistes. Cette nouvelle provocation constitue une odieuse injure à la mémoire des victimes et de leurs descendants. Cet acte prouve que l’on ne peut laisser perdurer l’impunité. Dans un État de droit, menaces, invectives et intimidations ne doivent pas empêcher les députés de légiférer.
M. François Hollande - Très bien !
Mme Martine David - Les événements de Lyon illustrent le chemin qui sépare encore certains acteurs du dossier du véritable respect de la démocratie. Le droit pénal doit être complété afin que le génocide arménien de 1915, reconnu par une loi de la République, ne puisse plus être contesté, de la même manière que les autres crimes contre l’humanité. En tant qu’élue, je ne peux plus me contenter d'exprimer ma profonde indignation après chaque remise en cause des valeurs républicaines et après chaque menée négationniste. La mémoire ne saurait être instrumentalisée. Elle doit reposer sur un socle commun, incontestable et respecté. Par conséquent, je souhaite que l’Assemblée dépasse ses clivages politiques, résiste aux intimidations et voie plus loin que les intérêts économiques de la France en votant cette proposition de loi ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et sur quelques bancs du groupe UMP)

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