jeudi 18 mai 2006

Interview dans le journal Libération


Après que j'ai été interviewée par Olivier Bertrand, Journaliste à Libération, en début de semaine, un article est paru dans l'édition de ce jour du journal à propos de mon combat pour la pénalisation des propos niant le génocide arménien de 1915. Alors que le débat parlementaire, sur la Proposition de Loi que j'ai co-signée, est menacé par de nombreuses manoeuvres, j'espère que cette exposition médiatique permettra de faire avancer la discussion.
Veuillez trouver ci-après le texte de cet article du journal Libération.
"A Décines, un combat relayé par les élus
par Olivier BERTRAND - correspondant à Lyon
Libération : jeudi 18 mai 2006
La socialiste Martine David est de ces députés qui se démènent pour que la négation du génocide arménien soit passible de sanctions. C'est même sa principale cause. Pourquoi ? Elle le confie sans fard : «Parce que je suis élue d'un territoire où la communauté arménienne est très importante.» Sa circonscription de la banlieue est de Lyon compte notamment Décines-Charpieu, une ville que l'on appelle «la petite Arménie». Cette cité ouvrière compte encore 15 % d'habitants d'origine arménienne. Et son histoire raconte comment cette communauté s'est organisée progressivement, jusqu'à mener un lobbying très efficace en France et en Europe.
Camp grec. En 1922, Décines n'était qu'un village lorsque des patrons lyonnais ont décidé d'y installer une très grande usine de textiles artificiels. «Comme ils se méfiaient des ouvriers lyonnais, contaminés par le syndicalisme, ils sont allés chercher des travailleurs arméniens, dans des camps de réfugiés», raconte Philippe Videlier, politologue et auteur d'un livre instructif sur Décines (1). Un émissaire est allé choisir des dizaines de rescapés dans un camp grec. Ils ont peuplé la nouvelle cité ouvrière avant d'être rejoints par des centaines d'autres Arméniens, parce qu'il y avait là du travail et des compatriotes. Dans les années 30, la ville comptait déjà 5 000 habitants, dont 1 500 Arméniens. «Cette communauté, note Martine David, s'est brillamment intégrée dans tous les secteurs, tout en transmettant sur quatre générations sa langue et sa culture. C'est l'une des clés de son influence.» Les rescapés avaient importé les partis politiques arméniens, toujours influents aujourd'hui. «Ils étaient à couteaux tirés et ne s'entendaient que sur un point : la nécessité de peser dans la société française», raconte Arsène Margossian, maire-adjoint (PSU puis PS) à Décines de 1965 à 2001. La ville a eu son premier élu arménien en 1959. Depuis, il y en a toujours au moins un.
La priorité a été d'ériger à Décines, en 1972, le premier monument français dédié au génocide. Puis le combat a changé. «Dans les années 1970, poursuit Arsène Margossian, l'idée s'est imposée qu'il fallait se structurer et agir en lobbying. C'est la troisième génération, plus instruite, qui a porté la lutte pour la reconnaissance.» Hilda Tchoboian, directrice de la Maison de la culture arménienne de Décines, a intégré dès 1975 le Comité de défense de la cause arménienne : «Ma génération avait lutté contre la guerre du Vietnam, pour les minorités. Nous n'avions pas les complexes d'immigrés de nos parents, ce qui nous a permis de passer du deuil aux revendications.»
Convictions. Des parlementaires ont alors relayé ce combat. Ils étaient élus des villes où les Arméniens étaient le mieux implantés. Marseille, Alfortville (Val-de-Marne) et l'Est lyonnais. Deux socialistes, aujourd'hui décédés ont notamment marqué la communauté : Jean Poperen (à qui Martine David a succédé), et Charles Hernu, ancien député-maire de Villeurbanne. «Cette sensibilité n'est pas motivée par le poids électoral, assure Jean-Paul Bret, maire (PS) de Villeurbanne, qui avait rédigé, en 1998, la première proposition de loi visant à la reconnaissance du génocide. En vivant avec des Français d'origine arménienne, vous comprenez très tôt à quel point le deuil et la réconciliation dépendent de la reconnaissance.» Hilda Tchoboian confirme : «L'intérêt politique a fait place aux convictions.» Ce qui n'empêche pas les parlementaires UMP d'insister pour faire savoir qu'ils sont prêts à voter la proposition de loi du PS. Ce n'est pas nécessaire : Hilda Tchoboian a déjà, sur son bureau, la liste des députés qui s'y sont ralliés.
(1) Décines, une ville, des vies, éd. Paroles d'Aube, 1996."

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